Carlo Zinelli 1916-1974
Natif des environs de Vérone, Carlo est le quatrième d'une famille de sept enfants.
La mort de sa mère l’obligera à travailler dès l’âge de huit ans à la terre.
C'est là que va se manifester son goût pour les animaux et la nature ; à dix-huit ans, pour subvenir plus substantiellement à sa famille, il sera dans l'obligation d'entrer aux abattoirs à Vérone.
La rupture avec le monde rural va être pour cette nature craintive et
solitaire, le début d'une succession de fractures, qui additionnée à des engagements répétés à l‘armée, le conduira à son internement. Nous sommes en 1947.
Condamné à la promiscuité des grands agités, c’est à la sauvette que Carlo grave, à l’aide d’un caillou, sur les murs de l'hôpital, tant qu'on finira par tolérer cette « manie » très vite perçue comme n'étant pas une velléité et fera qu'il sera accueilli, dans l'atelier créé au sein de
l'hôpital, par un artiste, Michaël Nolde. Sa vie, désormais, sera rivée à cet
atelier : trois mille dessins y ont été réalisés.
Raffinée, complexe, l’œuvre de Carlo est traitée au pinceau dont il se sert comme d’un crayon, et le
papier, généralement de format cinquante sur soixante dix
centimètres, est utilisé des deux côtés. Il a souvent été dit que c’est par économie que Carlo utilisait les deux côtés de la feuille, mais ne lui importait-il pas davantage de ne pas interrompre le flux de ce temps retrouvé pour, sans attendre, poursuivre .
Autant de bribes de vies qu’il cherche à reconstituer, autant de signes, de figures qui s’insèrent, s’enchaînent au rythme de sa mémoire affective : défilés d’hommes, de femmes aux cabas, d’oiseaux, de chevaux, de fusils, d’avions et de barques, le tout enveloppés d’étranges écritures.
Latine par excellence, musicale, l’œuvre est conçue telle une écriture qui oblige à retourner la feuille quand celle-ci s’achève.
Durant toute une époque les figures s'ordonnent autour du chiffre quatre dont la signification reste aussi mystérieuse que celle des trous circulaires qui traversent les corps, deviennent roues ou constellent l’espace, ou encore, comme le suggère Michel
Nedjar, trous d’obus dans la neige.
Parfois l'alternance des figures vont du noir profond aux gris colorés et aux tons véhéments créant un fascinant jeu d'optiques, autre part le pinceau balaye la feuille en vagues successives.
A certains moments, peut être pour se régénérer, Carlo s’adonne au collage dont la couleur ne doit rien à ses gouaches les plus vives
Nous ignorons ce que Carlo gravait autrefois sur les murs de l’hôpital ni ce qui l‘a poussé à un geste qui ne put rester longtemps inaperçu : Nous reste de Carlo une foison de signes dont nous ne possédons pas les
clefs mais dont la teneur poétique tient
à la symbolique universelle.
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