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La bête de Gévaudan, longueur : 30 cm
                  

La bête du Gévaudan

Emmanuel, roi d'Italie, 30 x20 cm..

Sans titre

Sans titre, 30 x 20 cm.

 

 

Auguste Forestier 1887- 1958

 

     Du temps ou l'hôpital vivait en autarcie, quand n'existait ni neuroleptiques, ni arthérapie, il arrivait, grâce à des psychiatres attentionnés, qu’un fou puisse tout à son aise fabriquer ce qu’il entendait. Tel fut le cas d'Auguste Forestier.
     Grand spécialiste de fugues dès son adolescence, il  fut interné une première fois à l'âge de 19 ans. Fou amoureux des trains, il provoqua lors d'une malheureuse expérience, un déraillement qui lui valut d'être interné définitivement. Cependant, vers 1925, il va changer de cap. C'en sera terminé des voyages inopinés ; commence une aventure qu'il mènera sa vie durant. Auguste Forestier va devenir constructeur.
     Cette orientation s'était manifestée par des préliminaires auxquels on a accordé peu d'attention : dessins fortement colorés inspirés d'almanachs qui circulaient alors,  portraits de célébrités, de rois, de maréchaux et imageries diverses.
     Auguste Forestier, vêtu de drap de bure comme tous les pensionnaires, vaquait silencieux et souriant à son ouvrage. Coiffé d'un képi de sa confection, la poitrine chargée d'amulettes et de décorations en tout genre, il se donnait allure de maître d'œuvres.
     Il n'était pas encombré dans sa manière de procéder : l'hôpital répondait pleinement à son besoin d'amasser. Rien ne manquait dans ce lieu où tout était magistralement concentré : cuisine, ateliers de couture, de menuiserie et autres lui fournissaient les débris qu'il triait, entassait sous une sorte d'établi qu'il avait pu installer dans un couloir ; ainsi, avec quelques outils rudimentaires, il fabriquait ce qui lui tenait à cœur.
     La création du fou est étroitement liée à sa personne, au point qu’il est impossible de les dissocier : son seul impératif est l'urgence du faire avec ce qui est de lui. L'homme et l'œuvre sans cesse font route ensemble ; c'est en quoi cet art nous trouble et nous émeut.
     Au cours d'une vie éclatée, il s'était fait un constructeur : tout au long de plus de 40 ans d'internement, il avait bâti des maisons aux riches ornements, peuplées d'hommes et d'animaux, fabriqué des jouets pour les enfants du personnel, taillé, assemblé, cloué  de la légendaire bête qui hante le plateau de Gévaudan jusqu'aux maréchaux à crêtes, enfin il avait équipé les grands bateaux aux promesses de voyages.
     Condamné à la réclusion, il avait fait feu de tout bois, signifiant ainsi son appartenance au monde.

François Tosquelles portant  à bout de bras un bateau de Forestier